Des chiffres douteux...

Publié le par vietnampoursegolene

La direction générale de l’institut national de la statistique et des études économiques, qui fait partie du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie attire l’attention du grand public et de la classe politique depuis des mois ; d’Eurostat aussi, l’institution européenne chargée de l’établissement des statistiques pour l’Union européenne, et, à ce titre, de veiller à la qualité des chiffres produits.
 
L’INSEE est plus connu comme un institut que comme appartenant au ministère des finances. Cela est dû à la grande qualité et à l’indépendance de son travail. Aucun texte législatif ne l’assure mais c’est une tradition bien établie depuis que Edmond Malinvaud en a assuré la direction (1974-1987). Toutefois, comme le souligne trois statisticiens néerlandais, belge et espagnol qui ont audité l’INSEE, son indépendance n’est pas juridiquement garantie (cette évaluation était effectuée conformément au code de conduite adopté par Eurostat et les offices statistiques des Etats membres). Or, les chiffres produits par l’Institut sont bien souvent au cœur d’enjeux qui dépasse la seule dimension technique et scientifique de son travail. Deux exemples pour le montrer.

Depuis le passage à l’euro au 1er janvier 2002, les Français ont eu le sentiment d’une forte hausse des prix. Certes, l’indice des prix à la consommation a bien reflété, dans les mois qui ont suivi l’introduction de l’euro, un léger dérapage. Les arrondis lors de la conversion, en partie pour les petits montants, on parfois été bien généreux. Depuis, les prix ont repris une croissance bien plus raisonnable. Le sentiment d’une hausse des prix plus forte est cependant resté dans la population. Les hommes politiques se sont emparés du sujet, remettant en cause le travail de l’INSEE.

A cette occasion, on a souvent évoqué le panier de la ménagère pour expliquer que l’indice de l’INSEE ne suivait pas les prix des bons produits. Le problème, c’est que ce panier de la ménagère n’existe pas. Les agents de l’INSEE effectuent 200.000 relevés de prix tous les mois, sur un ensemble très large de produits, pas sur un panier. D’ailleurs, ce panier, devrait y mettre un kilo de viande de bœuf, de porc, du poulet, du caviar… En réalité, l’indice des prix à la consommation prend en compte des chiffres qui baissent plus ou moins fortement (informatique, matériels électroniques, textile, téléphonie…) et des chiffres qui augmentent plus ou moins rapidement (pain, café, produits de consommation courante, loyers…). Or, si on mange bien du pain tous les jours, on boit son café tous les jours – deux produits que l’on paie soi-même en liquide – on achète moins souvent un téléviseur ou un ordinateur. L’INSEE offre désormais la possibilité à chacun de suivre son propre indice, créé à partir des bases de données constituées des relevés mensuels des prix.

Et les chiffres du chômage ? Sujet hautement sensible, ces chiffres sont calculés à la fois par l’ANPE, qui n’a aucune obligation ni de travail scientifique ni d’indépendance, et par l’INSEE. Ce dernier calcule, à partir de l’interrogation trimestrielle de 70.000 personnes, un chiffre selon les critères du BIT (demandeur cherchant un CDI, immédiatement disponible et ayant travaillé moins de 78 heures au cours du mois précédant). Ce chiffre est systématiquement différent de celui de l’ANPE, qu’il permet de corriger. Le problème, c’est qu’en pleine campagne électorale, l’INSEE estime, pour la première fois, ne pas être en mesure de publier des chiffres suffisamment fiables… alors précisément qu’ils semblaient refléter un niveau de chômage plus élevés que les chiffres de l’ANPE, cités par le gouvernement. De deux choses l’une : soit il s’agit d’une difficulté technique bien réelle et on s’étonne, avec les syndicats de l’INSEE, qu’elle n’ait pas été anticipée, soit la difficulté est plus complexe et on s’inquiète.

Des doutes vous dis-je…

Publié dans Economie

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